La distribution des prix au grand Lycée
La cérémonie
de la distribution des prix aux élèves du Grand Lycée
d'Alger s'est déroulée dans la cour d'honneur de l'établissement,
richement décorée de plantes vertes et abondamment pavoisée
aux couleurs nationales, et sous la présidence de M. J. Causeret,
maître des requêtes au Conseil d'État, secrétaire
général du Gouvernement général de l'Algérie.
Sur l'estrade autour de MM. Causeret, Tailliart, recteur de l'Académie,
et Sauvage, proviseur du Lycée, avaient pris place, M. Marcel
Bordes, représentant M. le Gouverneur Général ;
M. Atgcr, préfet d'Alger ; M, Laffont, adjoint, représentant
le Maire et les hautes personnalités civiles et militaires d'Alger.
M. Vallée, agrégé des lettres et professeur de
seconde prononce le discours d'usage. Avec clarté, précision
et élégance, il fait l'éloge de la culture générale,
qui est considérée comme un moyen excellent, destiné
à permettre à chacun de se livrer plus tard avec le plus
de fruit possible à son activité professionnelle.
" C'est, Mesdames et Messieurs, que le jeune homme muni d'une culture
générale est mieux armé qu'un autre pour la vie.
L'étude des mathématiques, la pratique de la version et
du thème latins lui ont donné, sinon la précision
et la rigueur de l'esprit (c'est ce qui a lieu dans les cas les plus
favorables), du moins la notion de cette précision et de cette
rigueur. Il aura toujours de la répugnance pour les enthousiasmes
trop simples, ceux qui proviennent d'idées mal pensées
et mal fondées. L'étude de la philosophie, du français,
de l'histoire et d'une ou deux langues vivantes lui a fait connaître
l'extrême diversité des hommes et le nombre infini des
nuances de la pensée : il possède ainsi, dès sa
sortie du lycée, un petit capital de connaissances psychologiques
empruntées à l'expérience de vingt-cinq siècles
: et cela lui évitera sans doute d'avoir à l'acquérir
à ses dépens. Enfin, la pratique des sciences de la nature
lui a enseigné que celle-ci ne livre pas facilement ses secrets,
qu'elle semble narguer le chercheur et qu'il faut mille expériences
pour confirmer une hypothèse. Ces connaissances, ces doutes,
ces aspirations vers une vérité plus rigoureuse sont logés
pour ainsi dire tout au fond de son esprit, où elles ont été
déposées pendant son adolescence, c'est-à-dire
pendant la période de la vie la plus favorable à l'acquisition
de notions durables : elles ne le gênent point : elles font partie
de lui-même. Et comme cette culture lui aura donné aussi
la curiosité de son propre esprit, il est permis de penser que,
placé devant la nécessité de choisir une profession,
il pourra choisir en connaissance de cause.
Voilà, Mesdames et Messieurs, exposées le plus succinctement
possible les raisons de l'attachement que le corps enseignant et, pensons
nous, la plupart des parents d'élèves portent à
la culture générale. Elle n'est pas exclusive : chaque
matière y participe, chaque professeur y concourt. Elle n'est
pas orgueilleuse, puisque, bien comprise, elle doit inspirer la modestie.
Elle n'est pas vaine et purement idéale, puisque dans la vie
elle est la meilleure des armes. Puissions-nous essayer de la dispenser
chaque année à des élèves plus nombreux
! "