Les lycéens d'Alger manifestaient il y a
une semaine pour obtenir le « pont » qui leur paraissait
nécessaire entre deux jours de congé. Ce n'est pas
qu'ils détestent « le bahut », tous ces jeunes
gens gais et vibrants, pour qui ces sorties ne sont que des occasions
nouvelles de prouver leur désir de faire montre de plus d'exubérance.
Ils se souviendront plus tard avec plaisir de ces manifestations,
comme leurs professeurs se souviennent avec plaisir de tout ce qui
fut « la boîte », où ils vivaient en étroite
communion d'idées avec leurs élèves.
Parmi les professeurs du lycée d'Alger, un ldes plus célèbres
est Louis Bertrand, dont l'autorité littéraire est
aujourd'hui incontestable. Ses anciens éleves reliront avec
plaisir les pages qu'il écrivait récemment dans le
« Gaulois », sur un établissement dont tous les
souvenirs leurs sont chers.
Combien sommes-nous, en France et ailleurs, fonctionnaires, fils
de fonctionnaires ou de soldats, qui, pendant quelques mois au moins,
avons été les hôtes de ce vieux lycée
I Car il est d'un âge respectable, ce lycée d'Ala ger.
Ses origines remontent à 1831, au lendemain même de
la conquête. Il a plus de quatre-vingts ans. Pendant ce long
espace a de temps, après des débuts un peu pénibles
et obscurs, on y a fourni d'assez belle besogne. La grande école
africaine a élevé quelques milliers de nourrissons,
qui ne font pas trop mauvaise figure, même dans la mère-patrie.
Si je parcours la liste de ses anciens élèves, j'y
vois des littérateurs comme les frères Margueritte,
des écrivains du terroir et des professeurs. comme Charles
de Galland, le maire actuel d'Alger ; des explorateurs et des chefs
militaires comme le colonel Branlière (et aussi en cette
fête de la camaraderie, les divergences d'opinions doivent
s'effacer), des ministres de la troisième République,
comme les Thomson et les Viviani. Et la liste des maires n'est pas
moins brillante : Emile Masqueray, qui fut non seulement un historien
de l'Afrique du Nord, mais un peintre original de ses moeurs et
de ses paysages ; Paul Monceaux, qui professe anjourd'hui au Collège
de France, un de cetix qui connaissent le mieux les antiquités
africaines et qui vient de leur consacrer un véritable monument
dans son « Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne
» ; Georges Dupuy, le fils du célèbre historien,
qui fut, à son heure, un romancier délicat et qui,
professeur d'histoire à l'École polytechnique, est
revenu à l'austère muse paternelle ; enfin,........
là, un conférencier très goûté
des dames.
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Une de ses lointaines auditrices me vantait, là-bas, le charme
de sa jolie voix, cette voix de cristal qui, avant de faire courir
tout Paris, s'assayait alors devant un modeste public colonial.
Alger lui inspirait même un de ses premiers recueils de vers
: « Les Petites Orientales », aujourd'hui introuvables...
Que l'impitoyable critique de l'exotisme chateaubrianesque me permette
de lui rappeler ce délicieux péché de jeunesse...
(la suite dans le corps de l'article)
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