lycée
Bugeaud
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----------Envoi de Paul PONSODA. Voici quelques souvenirs dont j'aimerais que certains me confirment s'ils les ont encore à l'esprit. Le contexte : la période 1957-1958-1959 était trouble à Alger et à 12-13 ans ; je n'étais pas un mauvais élève. J'avais obtenu " le prix spécial des anciens élèves ", me semble-t-il, en 1958 ; or, je n'ai pas vu mon nom dans la liste des prix délivrés ; j'y tiens pour la simple raison que j'ai vécu comme l'a décrit Camus, cette fameuse traversée de la cour en solitaire pour aller chercher le prix, devant les impressionnantes personnalités. Si vous avez la possibilité d'avoir accès à cette liste, merci de me confirmer si j'y suis. C'était une période merveilleuse au cours de laquelle, à 12 - 13 ans " nous échappions aux radars ", nous faisions au Lycée, à ses abords ou à Alger même (de la Place Gouvernement à la Grande Poste), quelques uns des 400 coups dont on peut être les auteurs à ces âges. On déjouait la surveillance de Monsieur Ferrari lors des déplacements à la piscine des Tagarins (il faisait l'appel à l'intérieur de l'établissement et nous nous planquions derrière les grands piliers ronds à la sortie du Lycée au lieu de monter dans le car) ; nous étions des jeunes enfants pas encore ados et nos pérégrinations durant des après-midi entiers dans Alger sous tension étaient passionnantes : Sucer ces sirops luisants verts, rouges, jaunes, dérober un miroir du cyclisme délivré de sa pince à linge à un kiosque à journaux (c'est là que j'ai vraiment appris à courir vite), se désaltérer au goulot d'une bouteille de sélecto d'Ahmed Boualem ou fumer des " bastos " au port lors d'un " après-midi lézard ". C'était la mode des pistolets à plomb et nous en faisions un usage aussi large que stupide : tirer sur les jambes des dames par exemple ou en hiver, lorsque 2 tramways se croisaient, tirer sur les doigts gelés des passagers qui agrippaient de leurs mains les grilles anti-grenades : la simple idée du mal que ces inconnus subissaient de manière injuste, simplement parce qu'ils n'avaient pas de chances, nous faisait beaucoup rire (bêtement). Avec ces mêmes pistolets à la sortie du Lycée, nous avions entrepris, en garnements indécrottables, d'installer un stand de tir sous les arcades près du Lycée - direction Place du Gouvernement -. Nous l'occupions quotidiennement et " le gang des pistolets à plomb " tirait sur les objets en cuivre exposés à l'extérieur d'une boutique sur le trottoir d'en face. Nous jubilions, quand le pauvre commerçant qui voyait ses beaux objets martelés de nouveau mais cette fois " de manière aléatoire " (nous ne nous rendions pas compte de notre bêtise), nous menaçait de ses foudres au moyen de gesticulations vaines. Et ça s'était terminait par une plainte qui avait été communiquée dans la cour du Lycée devant l'ensemble des élèves des petites classes rassemblés par Nimbus et là, à la suite des menaces du surveillant général, j'avais conseillé d'arrêter . Nous avions aussi organisé sur la base de " pas grand-chose " un affrontement entre " les modernes " et " les classiques ". On parle de classes de 6è et 5è ; notre idée de gamins était de manipuler les uns et les autres pour fomenter une opposition qui se radicaliserait et pour voir jusqu'où ça pourrait aller. Nous avions organisé une véritable cellule secrète avec secrétariat (documents dactylographiés et tampon, pour officialiser ) et nous avions ensuite fait monter la mayonnaise avec de la propagande bidon mais qui faisait son chemin et, petites provocations. Au bout du processus, rendez-vous était donné par " les modernes ", aux " classiques " pour cet affrontement stupide : lors d'une récréation, " les modernes ", rassemblés en haut de la cour et, " les classiques ", rassemblés eux au bas de la cour, s'élançaient les uns vers les autres et s'affrontaient dans une bagarre de centaines d'enfants poussant des cris aigus sous les yeux ahuris des surveillants. Nimbus était ensuite intervenu après avoir rassemblé tout le monde et nous avait menacés des pires sanctions. Nous avions dissous la cellule, mission accomplie. Personne en haut lieu, n'a, me semble-t-il, su ou imaginé que " ces évènements ", avaient été organisés en amont par des gamins en l'occurrence, nous. Cet épisode m'avait fait comprendre qu'il est assez facile de manipuler les gens quand on a de l'esprit (tordu) et aussi, plus tard, j'ai compris aisément la parole de Camus qui disait " il n'y a pas de haine plus féroce que celle qui ne repose sur rien ". Y a-t-il encore des personnes qui se rappellent de ces divers faits divers ? |